«Un ultra trail, c’est une vie en condensé, avec ses hauts et ses bas»
Course à piedSur les épreuves de très longue distance, le Vaudois Diego Pazos a du feu dans les jambes. Explication d’une passion.
Vous voulez être dans le coup? Faites du trail! Crapahuter sur les sentiers escarpés est devenu la dernière façon de courir. La tendance est au toujours plus long, au plus extrême. Pour étancher leur soif d’inconnu et de sensations, certains poussent l’effort au-delà des 100 kilomètres. Diego Pazos est de ceux-là.
«J’ai toujours aimé courir.» Son goût de l’effort, le Lausannois l’a d’abord concilié avec sa passion du foot. «Disputer mon match le samedi ne m’empêchait pas de participer à une course régionale le lendemain, explique l’ancien junior du LS et finaliste de 2e ligue avec Prilly. Il m’est même arrivé de jouer le dimanche matin et d’être au départ, à 13 h 30, du semi-marathon de Lausanne.»
De là à se lancer dans l’ultra trail, il y a un déclic que Diego Pazos, 31 ans en novembre prochain, l’a eu en voyant son compatriote Kilian Jornet, la «star» espagnole de la discipline, triompher dans l’Ultra-Tour du Mont-Blanc (UTMB) 2011. «J’ai regardé Maya (ndlr: aujourd’hui son épouse), et je lui ai dit: dans deux ans, je le fais!» Sa première expérience en ultra, sur les 71 km de la SaintéLyon (Saint-Etienne – Lyon; 11 000 participants!), n’a fait que renforcer sa détermination: «Même si j’ai fini en titubant, en état d’hypoglycémie, j’ai adoré.»
Sa saison 2012 planifiée pour décrocher les points qualificatifs, le Renanais fut bien au départ de l’UTMB 2013. Mais pas à l’arrivée. L’incapacité de s’alimenter, après une trentaine de kilomètres, en raison de «problèmes de ventre» ne l’empêchera pas de prolonger l’effort durant une dizaine d’heures avant de renoncer à 30 kilomètres du but. D’autant plus douloureux que Diego Pazos avait prévu de demander la main de Maya sur la ligne d’arrivée. «Un autre concurrent avait eu la même idée que moi. Et il était finisher, lui. Quand je l’ai vu faire sa demande, j’étais détruit!» Sa revanche, le Vaudois l’a prise l’an dernier, en homme marié. Et quelle revanche: une 11e place en moins de 24 heures (23 h 11’) au bout des 169 bornes de l’UTMB, ça vous pose un «ultratrailer».
Objectif Diagonale des Fous
Dans un mois, c’est à l’autre épreuve référence de l’ultra que s’attaquera Diego Pazos: la bien surnommée Diagonale des Fous. Grand Raid de la Réunion de son nom officiel. 164 km (10 000 m de D+) de la côte sud à la côte nord. L’équivalent, en kilomètres-effort, de huit marathons. «La course la plus dure que j’ai jamais faite», affirmait le Vaudois Christophe Jaquerod, premier non-Réunionnais à avoir triomphé (en 2006) sur l’île de l’océan Indien.
De la douleur en perspective pour Diego Pazos. Du plaisir aussi, les deux notions n’étant jamais loin d’une de l’autre dans l’effort extrême. «Vous souffrez tellement, parfois, physiquement et moralement, vous passez par de tels moments de désespoir que vous en venez à pleurer, explique Diego Pazos. Il faut alors se persuader que vous irez au bout, quoi qu’il arrive.» L’euphorie aussi peut s’avérer redoutable. «Quand vous avez l’impression de voler, mieux vaut ne pas s’emballer car vous le payerez. Avec l’expérience, vous apprenez à entrer très rapidement dans une bulle, dans une sorte de dialogue avec vous-même qui vous aide à maîtriser les émotions, négatives comme positives. En fait, une épreuve d’ultra c’est une sorte de vie en condensé, avec ses hauts et ses bas.» Ce sont ces émotions, exacerbées par l’effort, que l’ultratrailer recherche d’une course à l’autre.
Une performance collective
Sa motivation, Diego Pazos la puise aussi auprès de son entourage. Lorsqu’il évoque ses chevauchées fantastiques, le Lausannois n’hésite pas à parler de performance collective. En songeant en premier lieu à sa femme, en charge de la logistique avec l’aide d’amis présents sur chaque ultra. A Samuel Lovey, aussi, «L’an dernier, une quinzaine de personnes m’attendait à l’arrivée de l’UTMB. Penser à eux, quand vous êtes sur le point d’arracher votre dossard, je vous promets que ça motive.»
Diego Pazos a retrouvé dans la montagne de cet esprit d’équipe qu’il craignait avoir perdu en rangeant ses souliers à crampons. «Entre concurrents aussi, la solidarité est incroyable.» Le Lausannois en a donné une preuve magnifique, fin août dernier, à l’arrivée de la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix; 101 km), l’une des cinq épreuves de l’UTMB: alors que la 4e place était acquise, l’employé à la Police fédérale s’est mis en mode pause pour pouvoir partager son plaisir de finisher avec son poursuivant. «Nous nous étions tiré la bourre sur une cinquantaine de kilomètres. L’attendre m’est paru une évidence; nous avions partagé tellement de belles émotions…» (24 heures)
(Créé: 25.09.2015, 08h19)